« Le 12 Octobre 1994, sur l’autoroute de LA MARSA, notre Mercedes roulait en toute allure … on riait … on discutait … j’ai été heureuse de passer la soirée en sa compagnie et pour dire la vérité c’était notre premier tête à tête depuis quelques mois…
J’ai enlevé ma ceinture pour pouvoir ramasser une bouteille d’eau qui traînait en bas, derrière mon siège et…
Tout d’un coup, une R5 blanche a surgit de nulle part...elle roulait doucement vers notre direction …
Bon dieu ! elle roulait dans le sens inverse …
Elle défiait l’autoroute …
Elle menaçait notre sécurité …
Elle se fichait de nos vies …
J’ai crié de toute mes forces … et mon ami, à 160 KM/H, croyant pouvoir l’éviter, a du ... trop coller le bord du trottoir, trop haut par rapport à la chaussée… ce qui a provoqué une série de renversements de notre voiture…
Une première fois … le choc était très violent … J’ai vu le visage sévère de mon père …
Une deuxième fois… le choc était impétueux, je ne sentais plus rien … j’ai été entourée d’une lumière à peine jaunâtre ou plutôt blanche dans laquelle je me suis vue enfant … j’arrivais malgré la vitesse hallucinante à visionner les clichés de ma vie qui se suivaient comme se suivent les anneaux d’une chaîne …
Une troisième fois… le choc était hors temps… je ne vois plus rien … la lumière est devenue presque aveuglante … je ne sens plus mon corps … je volais … je me sentais légère… libre… et trop vivante !!!
Je crois que j’ai perdu connaissance…
Complètement renversée sur son toit… La voiture a du glisser sur une centaine de mètres pour finir contre un arrêt d’autobus heureusement qu’il n y avait personne...
Mon ami, en gardant sa ceinture est sortie indemne, moi je n’ai pas eu sa chance… sous le poids écrasant de la voiture mon bras s’est coincé dans le toit ouvrant et a du frotter l’asphalte du début jusqu’à la fin …
Je me suis retrouvée emprisonnée dans la voiture … des gens sont venus à notre secours… en aidant mon ami à me dégager du véhicule… il fallait le rehausser … une fois dehors… je me suis réveillée …
Debout, je ne me rendais pas compte du sang qui couvrait mon visage et mes vêtements … J’ai attrapé mon sac, sous le regard horrifié d’une dame qui me demandait de rester tranquille et de ne pas trop bouger à cause de mes blessures … Ce n’est qu’à ce moment là que j’ai vu le sang qui colorait tout mes habits et j’ai découvert mon bras troué et mutilé …
Je me suis évanouie dans les bras de mon ami…
Il m’a pris contre lui … il léchait le sang sur mon visage… sa voix me parvenait à peine, il me suppliait de tenir le coup… son cœur battait à la chamade, il m’a mis doucement dans un taxi pour atterrir directement en toute urgence à l’hôpital de La MARSA…
Après que les médecins, ont fait « le nécessaire »… j’ai été admise dans une chambre au deuxième étages, sur le lit, J’ai commencé à respirer dans le masque comme on me l’a demandait… Au bout de quelques bouffées, je n’arrivais pas à fermer mes yeux… on m’a branché un truc au bras… J’ai senti le produit pénétrer progressivement dans tout mon corps… J’en suivais le trajet, jusqu’à la tête … c’est censé me calmer et me faire dormir mais rien ça ne me suffisait pas… je souffrais encore et je n’arrêtais pas de pleurer … de crier … ce qui me réconfortait le plus c’était la présence de ma famille, de mes amis qui ne me quittaient que rarement … il y avait même des malades qui ont entendu mes cris et mon mal et sont venus me rendre visite… chose qui me donnait du courage…
Un détail que je n’oublierai jamais dans cet hôpital, chaque matin vers 10h00 il y avait la tournée des médecins … le chef qui enseignait la pratique à des internes, prenait mon bras … ouvrait les pansements sans ménagement et expliquait mes blessures à ses élèves sans me regarder… sans se soucier de moi qui gémissait… qui souffrait … et qui pleurait à ses contacts… Mais au bout du troisième jours, il m’a fait une scène en me demandant de la fermer… de le laisser faire son travail et que ce qui m’arrivait… je le méritais…
Ma foi, Il a commis l’erreur de me parler ainsi car il ne fallait pas trop me provoquer pour lui rendre le pareil surtout devant ses élèves... pour enfin lui interdire de me toucher car je ne suis pas son rat de laboratoire…
Et sur ses notes j'ai quitté l’hôpital pour rentrer dans une clinique où l’argent est le maître du savoir faire, du respect et du professionnalisme …
A la clinique, ils ont découvert qu’on a commis l’erreur de me faire un plâtre américain alors que mon bras était couvert encore de blessures ouvertes et profondes … le tout est devenu verdâtre et si j’ai été resté encore plus que ces trois malheureux jours à l’hôpital j’aurai sûrement perdu mon bras…»
Cette histoire est le moteur de la vie de ma sœur … Il n’y a pas une journée sans que le souvenir ne se manifeste… Normal, les cicatrices sont visibles, indélébiles et inoubliables…
Cette expérience fait partie d’elle ... Elle l’a remplit et elle l’a vide … Elle est là... comme une force, c’est son point de référence pour toutes ses pensées et ses émotions… Elle la ressent comme une densité dans les profondeurs de son coeur qui à la fois est son ancre sur la terre et ses ailes qui la relie au ciel…
J’aime ma sœur … je l’aime de tout mon cœur…
Elle a faillit perdre la vie … j’ai faillit la perdre…
Aujourd’hui c’est son anniversaire, elle vient d’avoir 33 ans, à sa demande j’ai écrit l’histoire de son accident … Toutes les deux, on a remémoré ensembles ... on a pleuré ... on a revécu chaque détails mais pas tout écrit bien sûr …
On s’est dit que peut être cette histoire servirait sûrement à quelqu’un :
Comme :
Aux jeunes qui, à travers leurs voitures puissantes se prennent pour des ‘ALENCEAU’ … Inconscients des risques qui courent eux-mêmes et qu’ils exposent aux autres…
Comme :
Les futurs médecins qui perdent aux cours de leurs carrières leurs cœurs… leurs sensibilités et oublient qu’ils ne sont pas là pour juger mais pour guérir…
Comme :
Ce médecin chef de service, aveuglé par son pouvoir, sa vanité et son arrogance, n’a pas pu déceler le fait que le bras de ma sœur commençait à pourrir…
Comme :
Celui ou celle qui vit avec des cicatrices à cause d’un accident ou autre… on lui demande qu’il ne faut pas se murer dans la cave des complexes … cherchant à éviter les regards curieux, insensibles et parfois blessants … Et qu’il faut être plus fort et plus solide…
Comme :
Cette mystérieuse R5 qui par son inconscience, son manque de civisme et sa lâcheté a faillit tuer deux personnes et peut être plus s’il y avait des gens à l’arrêt du bus et…
Bon sang, respectez le code de la route … s’il a été établi c’est uniquement pour nous protéger
Heureuse que tu sois là... Petite soeur,
je te souhaite Bon Anniversaire
Gros Bisou, je t'aime...